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La thèse du peintre : la physique quantique comme source d'inspiration en art

Guy Levrier

28 Mai 1996

Le théorème de Bell1 démontre que la physique quantique ne peut s'interpréter en tant que théorie déterministe locale ; on l'a considéré comme " la plus profonde découverte de la science ".2 Il apporte la preuve que toute réalité ne peut être que non-locale,3 c'est-à-dire que nous vivons dans un univers holistique, dans lequel le tout agit sur la partie et vice-versa : cette interconnection est ma source d'inspiration.

J'ai été attiré par la physique quantique pour deux raisons. En premier lieu, j'y ai trouvé toutes les métaphores dont j'avais besoin pour " expliquer " mon aventure personnelle, ontologique, en art, par la peinture. J'ai été particulièrement fasciné, en effet, par le fait que, puisqu'au niveau microscopique notre observation de la matière perturbe le phénomène observé, nous n'avons aucun moyen de connaître véritablement le réel en soi. Par ailleurs, ce qui est pour nous le plus remarquable dans notre univers, qui est fait de cette même matière, c'est sa beauté. Par conséquent, je ressens que la beauté est pour nous plus signifiante que le réel, et que nous avons donc plus de certitudes vis-à-vis du beau, que nous n'en avons vis-à-vis du réel.

En second lieu, la physique quantique est pour moi à la fois l'avancée scientifique qui a rompu avec l'approche matérialiste de la science, et qui a construit la passerelle entre la science et l'esprit humain. C'est également la conclusion de certains scientifiques : " L'élément central de ce nouveau paradigme est la reconnaissance que la science valide une idée ancienne, selon laquelle la conscience, et non la matière, est la base de tout être ".4

C'est la facette spiritualiste de la matière : Einstein estimait que la science est une passion qui exige " l'état d'esprit des moines et des amants ... à la recherche d'un univers de contemplation et de compréhension ".5

Certes, nous ne pouvons pas rechercher des dénominateurs communs précis entre l'art et la science, mais cependant, je n'en trouve pas moins provoquant, et, à la limite, presque inquiétant, de comparer, du moins sur le plan de l'inspiration commune, trois peintures d'auteurs différents. Dans le cas présent, le regardeur peut se demander s'il est en présence d'un seul, de deux ou de trois peintres, et de quelle origine sont-ils, scientifique ou artistique (littéraire) ? J'espère que vous trouverez la réponse intéressante : les deux premières toiles ont été publiées sur la couverture de Leonardo, 27, No. 3 (1994). La première est due à L. Alcopley, un rhéologue, la seconde à Jacques Mandelbrojt, un physicien quantique, et la troisième (représentée à la Figure 3), par moi-même, simple artiste n'ayant fait aucune étude scientifique, mais néanmoins fasciné par les conséquences philosophiques de la physique quantique. La ressemblance entre ces trois peintures n'est-elle pas frappante? "6 C'est la raison pour laquelle j'estime que des recherches devraient être effectuées en commun entre les artistes, les scientifiques et les spiritualistes, comme le suggère partiellement la vocation de Leonardo, qui est de documenter la fusion de l'art et de la science. J'évoque mon effort personnel dans ce sens - par la beauté - dans ma page d'accueil, à :

http://www-mitpress.mit.edu/Leonardo/rolodex/levrier.guy.html.

J'espère susciter suffisamment d'intérêt parmi les personnes de bonne volonté pour obtenir des résultats concrets.

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Références et Notes

1 F. David Peat, Einstein's Moon (Chicago, IL: Contemporary Books, 1990), p.112.

2 H. Stapp, Nuovo Cimento 40B, 191 (1977)

3 Nick Herbert, Quantum Reality (Garden City, NY: Anchor Books/Doubleday, 1985), p.51. Selon Herbert, " En partant de le théorie quantique et d'un peu d'arithmétique, Bell a pu démontrer que tout modèle du réel quel qu'il fût, ordinaire ou contextuel, ne peut être que non-local. La pertinence de ce théorème a depuis lors été entièrement confirmée par des faits quantiques ; aucune référence à la théorie quantique n'est nécesaire. Dans sa version la plus récente, il s'énonce ainsi : les faits quantiques, avec un peu d'arithmétique exigent que le réel soit non-local . En réalité locale, les influences ne peuvent s'exercer à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Selon le théorème de Bell, sous de telles conditions de réalité, l'information circule trop lentement pour pouvoir rendre compte des faits quantiques : toute réalité ne peut être que non-locale . "

4 Amit Goswami, The Self-Aware Universe (New York: Putnam, 1993), p.2.

5 Cité dans Jean Eisenstaedt, "Chercheurs ou artistes ? Un point de vue très relatif," in Série Mutations, No. 158 (Editions Autrement, 1995), p.93.

6 J'ai fait cette peinture trois ans avant que celles d'Alcopley et de Jacques Mandelbrojt soient publiées sur la couverture de Leonardo 27, No. 3 (1994)

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Figure 1. L. Alcopley (Noir et blanc)

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Figure 2. J. Mandelbrojt (Noir et blanc)

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Figure 3. Guy Levrier, sans titre, huile, 100x81 cm, 1991.
Un cas de convergence entre deux esprits scientifiques et un autre, purement artistique. Pourquoi un simple peintre peint-il comme deux scientifiques ?

Je vous invite à aller voir environ 250 autres de mes peintures, en cliquant ici :
http://www.guy-levrier.fr.

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